L’avis du Comité des Régions (CdR) sur la Politique Agricole Commune (PAC) post-2020, demandé par le Vice-Président de la Commission européenne Timmermans, sera discuté lors de la prochaine session plénière du CdR en juillet 2017 (voir notre article précédent du 3 avril 2017, « Opinion du CdR sur la future PAC en cours de préparation ? ») mais a cependant récemment été adopté par la Commission des Ressources Naturelles (NAT) du CdR le 1er juin 2017. D’autres modifications à l’avis sont à prévoir avant et pendant la prochaine session plénière du CdR. Le rapporteur Guillaume Cros plaide pour une nouvelle PAC intégrant plus d’aspects alimentaires et agroalimentaires.
Une nouvelle politique agricole commune pour plus d’équité et de solidarité
Selon l’avis, le rôle de la PAC est d’assurer plus d’équité et de solidarité.
Plus d’équité et de solidarité entre les agriculteurs et le reste de la société car trop d’agriculteurs ont un revenu inférieur au seuil de pauvreté, car la valeur de la production alimentaire est extraite en aval par les fournisseurs et l’industrie agroalimentaire et car le développement galopant des zones urbaines grignote de plus en plus sur de bonnes terres agricoles.
Plus d’équité et de solidarité entre les États membres en luttant contre la concentration des subventions résultant des paiements directs par hectare.
Plus d’équité et de solidarité entre les différentes zones rurales affectées différemment par le changement climatique et ayant hérité de différentes pratiques agricoles et modèles d’intensité agricole.
Et enfin, plus d’équité et de solidarité entre les pays de l’UE et les pays tiers en ce qui concerne les émissions de carbone de l’UE causées par les importations alimentaires en provenance de pays à très faible coût de la main-d’œuvre, en ce qui concerne aussi les exportations d’excédents de l’UE entravant les économies non membres, le manque de réglementation sur la volatilité du marché, et la nécessité de faire plus d’efforts au regard des règles du commerce agricole international et de véritables accords de coopération.
Les 9 objectifs post-2020 pour la PAC
L’avis souligne 9 nouveaux objectifs pour la PAC après 2020 :
- Développer une agriculture durable et prospère ancrée dans la diversité des territoires ruraux,
- Assurer la sécurité alimentaire de la population vivant sur le territoire européen à des prix équitables,
- Fournir une alimentation saine, nutritive, variée, de qualité, issue prioritairement des régions proches des habitants dans une perspective d’économie circulaire,
- Garantir les conditions d’un revenu juste et suffisamment stable pour les agriculteurs,
- Assurer le renouvellement du plus grand nombre possible d’exploitations agricoles, gage de territoires ruraux dynamiques,
- Ne pas déstabiliser les économies agricoles des pays tiers,
- Orienter tous les modes de production agricole vers des pratiques qui protègent la santé des populations, les sols, l’environnement, notamment aquatique, favorisent la biodiversité, tant sauvage qu’agricole, respectent les normes de protection animale et diminuent le réchauffement climatique, par exemple en réduisant les émissions nocives de gaz à effet de serre,
- Répartir plus justement les fonds publics de la PAC entre les exploitations agricoles et entre les États membres selon des critères objectifs et non discriminatoires, en lien avec leur capacité de contribuer aux objectifs de développement durable de l’UE (y compris en accélérant la convergence des paiements directs entre les États membres),
- Appliquer le principe de proportionnalité au système de contrôle auquel sont soumis les agriculteurs,
- Promouvoir le développement économique, social et environnemental de tous les territoires ruraux
L’avis est développé autour de deux thématiques clés : la transition vers des fermes rentables et durables à échelle humaine et le renforcement de la dimension rurale de la PAC. L’avis soutient activement le plaidoyer pour un agenda rural tel que promu par Euromontana, le Comité des régions et différentes organisations de la société civile.
Mesures novatrices introduites dans l’avis
Un point innovant développé dans cet avis est la transition depuis des paiements directs par hectare à des paiements directs par hectare plafonnés et modulés par actif. Cette mesure serait plus juste pour l’agriculture de montagne confrontée à des conditions climatiques difficiles et à des coûts de production plus élevés et soutiendrait également les chaînes de valeur territoriales pour les produits à haute valeur ajoutée tels que les produits de montagne, comme indiqué dans l’avis. Cette mesure pour les paiements directs plafonnés et modulés par actif soutiendrait également entre autres le modèle de l’agriculture familiale ; les jeunes agriculteurs ; les systèmes agricoles de transition vers des méthodes de production plus résilientes, autonomes et sans apports ; l’agriculture biologique ; et l’agriculture à forte valeur environnementale. Le CdR appelle à une égalisation des paiements directs entre les États membres et une répartition plus équitable des fonds publics de la PAC entre les exploitations directes.
D’autres points saillants de l’avis sont les recommandations pour une meilleure réglementation du marché des produits alimentaires et l’intégration de différents fonds de l’UE.
L’avis donne également de l’importance à la dimension environnementale et aux risques que pose l’agriculture pour la qualité de l’eau, l’érosion et la dégradation des sols et la biodiversité. Certaines recommandations pour la gestion des terres agricoles et forestières pour améliorer les résultats sociaux environnementaux et sociaux seront prochainement publiées par le projet PEGASUS sur cet aspect aussi. L’avis met d’ores et déjà en évidence 3 mesures environnementales : la rotation des cultures, l’interdiction de labourer les prairies permanentes et la délimitation de zones d’intérêt écologique.
Nos collègues chercheurs pourraient être intéressés par le fait que l’opinion appelle à plus de recherche financée par l’UE et la BEI sur la coopération agricole et rurale, et en particulier : l’innovation sociale dans les zones rurales, la gestion durable des forêts, la résilience agricole, la restauration de la fertilité des sols, les pratiques agricoles de lutte contre le changement climatique, et les méthodes de production de haute qualité et respectueuses de l’environnement. Le projet H2020 SIMRA se termine en 2020 et devrait également fournir des recommandations stratégiques pour l’innovation sociale post-2020 pour les zones rurales marginalisées.
Conclusions
Dans son avis, le rapporteur Guillaume Cros a insisté sur la nécessité pour la Commission européenne d’évaluer les Fonds structurels européens à travers la lentille rurale, comme le recommande la Déclaration de Cork 2.0, et à les rendre plus faciles à utiliser pour une meilleure approche territoriale. En effet, le CdR salue l’initiative des villages intelligents de la DG AGRI (voir notre article sur ce nouveau plan d’action ici) mais souhaiterait également que les territoires ruraux intelligents soient pris en compte. Les fonds intégrés devraient permettre d’autres initiatives locales en faveur de l’innovation, des activités de loisirs, de la connectivité, de la formation, des services publics, des paysages, des unités de production d’énergie à petite échelle, etc.
L’Agenda Rural est un bon fondement mais devrait être soutenu par des décisions politiques qui tiennent nécessairement compte de la fracture rurale, telles que la mise en œuvre horizontale de la lentille rurale par la Commission européenne dans toutes les politiques sectorielles, par exemple. En effet, toutes les politiques sectorielles devraient être étendues aux zones rurales pour permettre des interrelations rurales-urbaines positives. L’opinion est en faveur de la priorité territoriale et du maintien de la politique et des fonds de cohésion, afin de cesser de concentrer la production agricole dans certaines régions au détriment des autres et d’éviter à tout prix des distorsions de concurrence sur le marché agricole.
20 juin 2017