Par Windy Kester Moe, Eastern Norway Research Institute
Une longue rangée de vestes et de chapeaux colorés, sans oublier les discussions animées, sillonne la neige profonde de Valbjørgmorka, à Vågå, en Norvège. Certains randonneurs ont des bâtons de ski ; d’autres gardent leur équilibre en divisant simplement leur poids corporel, gauche, droite, gauche, droite. Nous laissons derrière nous un long chemin d’empreintes dignes d’un yéti.
« Ce qui est bien avec les raquettes, c’est que tout le monde peut s’en servir », nous dit le guide Tesfahiwet Hailu. « Contrairement au ski de fond, il n’est pas nécessaire de s’entraîner. À Vågå, vous pouvez emprunter des raquettes à la bibliothèque, les enfiler et vous rendre dans des endroits auxquels vous n’avez pas accès en hiver ».
La randonnée en raquettes de ce dimanche est la deuxième organisée par Hailu, un réfugié d’Erythrée. Ces deux randonnées sont un résultat très visible de l’Action d’Innovation norvégienne du projet SIMRA. Les chercheurs de l’Institut de Recherche de l’Est de la Norvège utilisent la vie en plein air comme un pont vers l’inclusion et l’intégration des migrants.
Comme dans de nombreuses autres zones rurales, la diminution de la population est un défi dans la région de Gudbrandsdalen, où se trouve Vågå. Afin de maintenir le niveau de vie et l’État-providence, cette zone de montagne doit accueillir chaque âme et s’assurer que chaque habitant temporaire souhaite devenir un résident permanent. Jusqu’à présent, les réfugiés s’installent souvent dans les villes après avoir terminé leur cours obligatoire de langue et de société.
« Utiliser les activités en plein air peut changer cela », selon le chercheur Tor Arnesen, « et si les réfugiés commençaient par créer du tissu social ? La langue et les emplois pourraient s’établir grâce aux contacts qu’ils ont obtenus en faisant de la randonnée ».
Des affaires sérieuses
La nature est une affaire sérieuse en Norvège, où l’on dit que les enfants naissent avec des skis aux pieds et où le dicton national est « Ut på tur, aldri sur », traduit par quelque chose comme « jamais de mauvaise humeur en randonnée », puisque les Norvégiens sont plus bavards, souriants et inclusifs lorsqu’ils sont en mouvement.
À Vågå, les 17 randonneurs en raquettes d’Érythrée, de Norvège, de Tanzanie, d’Allemagne, des Pays-Bas et de Syrie ont le sourire aux lèvres. Le soleil brille, la vue est magnifique et la promesse d’un chocolat chaud fait courir les trois enfants du groupe devant.
Au bout d’une demi-heure, la moitié du groupe décide de viser le sommet, tandis que le reste d’entre nous veut se rendre au refuge. Au-dessus de la cime des arbres, nous avons un aperçu de ce que l’explorateur et humanitaire norvégien Fridtjof Nansen a dû ressentir lors de la traversée du Groenland : vent violent, petits flocons de neige qui nous mordent le visage et nous essoufflent et nous sommes à l’affut pour apercevoir des cerfs.
Défis
Il n’est un secret pour personne que l’Action d’Innovation norvégienne du projet SIMRA a également été une sacrée aventure. Le projet a été fragile, dépendant de quelques enthousiastes. L’établissement de relations entre les acteurs et l’appropriation de l’Action d’Innovation a pris du temps et a dû être implanté dans l’environnement local. La difficulté liée aux grandes distances géographiques ne doit pas être sous-estimée non plus.
Les chercheurs impliqués recommandent donc qu’une telle Action d’Innovation ait un seuil d’attentes bas et des ambitions réalistes quant aux objectifs à atteindre. En outre, et ce n’est pas négligeable, il faut laisser du temps au temps.
Cependant, les choses avancent et les actions se pérennisent: au cours de ce printemps et de l’été 2020, il y aura d’autres événements. Une organisation locale, l’Association Norvégienne de Trekking, organisera un cours de première année, où les nouveaux amoureux de la nature de toutes les nationalités pourront apprendre comment allumer un feu, lire une carte et une boussole et quoi porter et emporter. Après l’été, des étudiants de l’école de langues pour adultes se joindront à une randonnée jusqu’au Glittertind, le deuxième plus haut sommet de Norvège.
Enfin, un facteur crucial, c’est que nous sommes là, à nous de marcher dans las pas des uns et des autres et de parler. « À Vågå, tout le monde se salue », raconte Ahmed, qui vivait à Damas et qui est venu à Vågå et à ses 3500 habitants il y a deux ans. « C’est agréable d’être ici, de mieux connaître les gens et de discuter avec eux quand on les croise. »
Nous descendons à toute allure et nous sentons la fumée du feu de camp du refuge. Quelques femmes norvégiennes et hommes syriens ont préparé la récompense pour les alpinistes : du café sur le feu de camp et des saucisses de poulet avec une sauce chili piquante. Se rassembler autour d’un feu ou d’un grill, partager un repas doit être l’une des choses universelles à faire. Même avec des raquettes à neige.
Pour plus d’informations, veuillez visiter le site de SIMRA ou consulter les messages clés de la conférence finale et les documents disponibles tant pour les décideurs politiques que pour les innovateurs sociaux afin de mettre en œuvre et de soutenir l’innovation sociale dans les zones rurales marginalisées.
10 mars 2020