La mobilité est un sujet crucial pour les zones rurales et montagneuses, Euromontana a donc organisé le 25 mars 2021, l’atelier « Amélioration de la mobilité, amélioration de la qualité de l’air dans les zones rurales et montagneuses » dans le cadre de la Semaine de la Vision Rurale de l’UE afin de contribuer à la Vision à Long Terme pour les Zones Rurales.
Marie Clotteau, Directrice d’Euromontana et modératrice de l’événement, a souligné que « d’un côté, la pollution atmosphérique est l’un des facteurs de risque environnemental les plus importants pour la santé humaine et les transports restent une source majeure de pollution atmosphérique. Dans certaines stations de montagne, jusqu’à 57 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent des transports, ce qui aggrave le changement climatique et ses conséquences dans des régions déjà gravement touchées » avant d’ajouter que « de l’autre côté, la mobilité joue un rôle important dans l’attractivité d’une région. Dans de nombreuses zones rurales et de montagne, la dépendance à la voiture persiste en raison de nombreux défis ».
Des solutions existent déjà, a souligné Mme Clotteau, comme l’ascenseur « Eau d’Olle Express » permettant aux touristes de rejoindre la station de ski de l’Alpe d’Huez sans voiture ; le Bus Alpin en Suisse encourageant l’utilisation des transports publics pour rejoindre les destinations d’excursion dans les communautés de montagne suisses ou le Chemin de fer de Bohinj en Slovénie permettant aux gens de mettre leur voiture dans un train pour traverser le pays tout en réduisant les émissions de carbone. Pourtant, les solutions de mobilité propre ne sont pas assez déployées dans les zones rurales et montagneuses. L’atelier parallèle d’Euromontana visait donc à étudier comment des options de mobilité plus décarbonées pour les biens et les personnes peuvent être déployées dans les territoires, améliorant ainsi la qualité de l’air.
Qualité de l’air dans les Alpes : un état des lieux
Pour Eric Vindimian, du Ministère français de la Transition Ecologique, la qualité de l’air dans les Alpes n’est pas seulement un défi dans des villes comme Genève, Grenoble ou Turin mais est aussi un véritable enjeu pour les zones rurales. M. Vindimian a présidé le groupe de travail de la Convention Alpine sur le 8ème rapport sur l’état des Alpes, qui se concentre sur la qualité de l’air. Le rapport n’est pas encore publié, mais les premiers résultats montrent que des phénomènes météorologiques, comme la couche d’inversion, accumulent les polluants dans les vallées alpines. Les polluants, piégés par les nuages, s’accumulent dans l’air et même dans les zones rurales, leur quantité dépasse souvent les seuils maximums – avec des risques croissants pour la santé humaine.
Le 8ème rapport sur l’état des Alpes, qui sera publié prochainement, rapporte également que la circulation, avec la combustion de la biomasse et les aérosols secondaires, est l’une des principales sources d’émissions dans la zone alpine. Pour remédier à ce problème, le rapport formulera 10 recommandations pour améliorer la qualité de l’air, dont 3 sur la gestion de la mobilité. Ces recommandations visent à promouvoir l’utilisation d’une gestion intelligente du trafic (fixation des limites de vitesse en fonction des niveaux de pollution, tarification routière), à encourager le transport combiné, à développer des systèmes de mobilité multimodaux, à encourager les modes de transport actifs (aller au travail à vélo par exemple) mais aussi à mettre à disposition des véhicules propres.
Comment améliorer la mobilité propre ?
Notre atelier a également présenté des projets de mobilité inspirants qui ont contribué à une mobilité plus verte dans les zones rurales et montagneuses. Chloé Ribaudeau, de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a présenté les résultats du projet Interreg Espace Alpin ASTUS (2016-2019), qui vise à réduire à long terme les impacts des émissions de carbone liées à la mobilité quotidienne dans les Alpes. Sur la base des expériences de 17 sites pilotes à travers la région alpine, le projet a développé une typologie de 7 territoires alpins, des zones métropolitaines aux villes et aux destinations touristiques. L’objectif était de réduire à long terme les émissions de carbone liées à la mobilité quotidienne dans les Alpes. Le projet a développé une méthodologie transnationale pour des scénarios à faible émission de CO2, une boîte à outils pour la réduction du CO2 et un rapport transnational avec des recommandations pour aider les autorités locales à identifier les sources principales d’émissions liées au transport et à trouver leur propre voie vers un avenir décarbonée. Les éléments développés dans le cadre du projet ASTUS sont des outils concrets et transférables permettant aux décideurs locaux et régionaux d’identifier les défis de leur région et de s’inspirer d’autres territoires similaires.
Si les autorités régionales ont un rôle crucial à jouer dans le développement de programmes de mobilité plus propre, les communautés locales peuvent également être impliquées dans le processus, comme l’a expliqué Shravan Shinde, de MVV, Mobility Planning and Research à Munich, et du projet Interreg Espace Alpin SaMBA (2018-2021). SaMBA s’intéresse aux mesures de mobilité plus douces, qui peuvent être mises en œuvre sans changement d’infrastructure. En particulier, le projet vise à encourager le changement de comportement en promouvant les offres de mobilité à faible émission de carbone qui existent déjà et en récompensant les personnes qui changent de comportement (comme les systèmes de tarification, co-construit avec les citoyens). À titre d’exemple, la ville de Salzbourg (Autriche) a développé une stratégie ciblant les personnes qui connaissent un changement de vie, comme un déménagement ou un changement d’emploi. La stratégie repose sur l’idée que les gens ont souvent de fortes habitudes de mobilité et que les situations de changement de vie sont une période clé pendant laquelle les gens sont plus ouverts à changer leurs habitudes de mobilité. Les autorités locales ont donc fait la promotion des solutions de mobilité existantes au moyen de brochures et de cartes dans des sites pilotes où de nouveaux bâtiments ont été construits. Autre exemple, les nouveaux résidents de Munich reçoivent un dossier de bienvenue qui explique les problèmes de mobilité au niveau local, présente des solutions à faible émission de carbone et offre un ticket de transport public gratuit. Pour encourager les changements en matière de mobilité dans d’autres domaines, SaMBA développe un outil Excel dans lequel les collectivités locales et les autorités pourront rechercher les meilleures pratiques dans des territoires similaires. L’outil repose sur l’idée que les solutions mises en œuvre dans les zones urbaines ne répondront pas nécessairement aux besoins des territoires ruraux ; en choisissant les entrées qui correspondent à leur réalité, il permettra donc de s’inspirer de territoires similaires en fonction du type de zone dans laquelle les gens vivent et des infrastructures déjà existantes dont ils disposent. Cet outil sera disponible à l’automne 2021 pour toute communauté rurale et montagneuse cherchant à s’inspirer de pratiques de mobilité plus propres.
L’atelier a clairement mis en évidence que la mobilité reste un problème pour l’Europe rurale, avec des impacts tant sur la cohésion et l’attractivité territoriales que sur la qualité de l’air. Les projets exposés ont présenté des solutions et des incitations inspirantes, tant pour les décideurs politiques que pour les citoyens, qui peuvent être reproduites dans d’autres zones rurales et montagneuses pour renforcer la cohésion sociale et territoriale et inclure tous les territoires dans la transition verte.
Pour conclure l’atelier, Marie Clotteau a souligné que « une nouvelle Stratégie Européenne pour la Mobilité a été publiée en décembre 2020. Elle est réellement ambitieuse, mais nous devons aussi transposer ces ambitions aux zones rurales et montagneuses ». Elle a salué le fait que la future Vision à Long Terme pour les Zones Rurales abordera les questions de mobilité mais a encouragé la Commission européenne à mieux intégrer les zones rurales dans toutes les politiques de l’UE à l’avenir, par le biais d’un « rural proofing », car cette Communication ne peut pas répondre à tous les défis auxquels l’Europe rurale est confrontée.
Pour plus d’informations, vous pouvez consulter les présentations des intervenants sur le 8ème rapport sur l’état des Alpes, le projet ASTUS et le projet SaMBA. Vous pouvez également visiter le site web du RERD où des documents de la Semaine de la Vision Rurale seront disponibles.
30 mars 2021