La FAO avait invité les 11 et 12 décembre une centaine d’experts à dialoguer sur l’agriculture familiale. En préparation de l’année internationale de l’agriculture familiale lancée officiellement le 22 novembre 2013 et qui entrera dans son plein fonctionnement en 2014.
Organisée en trois sessions, la première journée visait à débattre du rôle de l’agriculture familiale et de son importance, de discuter ensuite des politiques les plus adaptées pour fournir un environnement favorable à cette agriculture familiale, à réfléchir enfin au rôle de la coopération pour cette agriculture familiale. La deuxième journée était consacrée à un travail en groupes sur l’organisation concrète de l’année pour la région Europe et Asie Centrale.
Un mouvement citoyen lancé en 2008
La réunion a permis tout d’abord de retracer l’histoire de cette année internationale de l’agriculture familiale, issue pour la première fois peut-être d’un mouvement citoyen de grande envergure lancé et coordonné par le Forum Rural Mondial, une ONG internationale basée au Pays Basque. Le Forum Rural Mondial a réussi à fédérer autour de cette campagne plus de 360 organisations à travers le monde. C’est le gouvernement des Philippines qui a ensuite pris le relais pour proposer l’attribution d’une année à ce thème à l’assemblée générale des Nations Unies. La décision a été prise en 2011. Depuis 5 ans déjà des centaines de personnes travaillent à ce processus qui vise à mettre l’agriculture au centre de l’agenda politique mondial.
La société civile organisée en un comité mondial et des comités nationaux
Le mouvement est aujourd’hui structuré du côté de la société civile, représentée par un Comité Consultatif Mondial coordonné par le Forum Rural Mondial et qui rassemble des représentants des différents continents (pour l’Europe l’Union des petits agriculteurs d’Espagne et l’association française pour le développement international AFDI). L’ensemble des ressources de la campagne est regroupé sur un site internet dédié « familyfarmingcampaign.net ». Le mouvement encourage la mise en place de démarches nationales appelées « comité nationaux » qui prennent des formes différentes selon les pays. 45 se sont déjà structurés et plus sont en train de se former. Le Forum a préparé des lignes directrices pour leur formation.
Au niveau institutionel, un comité de pilotage géré par la FAO
Du côté des institutions, c’est la FAO qui a été mandatée par les Nations Unies pour coordonner la mise en oeuvre de cette année internationale. Un Comité Directeur International a été mis en place qui rassemble également des représentants des différents continents ou « régions » au sens des Nations Unies avec 12 Etats membres et plusieurs organisations internationales dont l’Union européenne qui assure la vice-présidence du comité.
Ce comité international a adopté un Plan cadre qui définit le concept d’une part et la feuille de route d’autre part. Un site dédié a également été mis en place.
Un concept large visant à rassembler
La question du concept génère encore beaucoup de discussions: qu’est-ce que l’agriculture familiale? Est-ce une question de taille? De type d’emploi? De modèle de production? De valeurs?
Pour les comité directeur international qui a adopté une approche, « l’agriculture familiale englobe toutes les activités agricoles reposant sur la famille, en connection avec de nombreux aspect du développement rural. L’agriculture familiale permet d’organiser la production agricole, forestière, halieutique, pastorale ou aquacole qui, sous la gestion d’une famille, repose essentiellement sur de la main d’oeuvre familiale, autant par les hommes que par les femmes. Dans les pays développés comme dans les pays en développement, l’agriculture familiale est la principale forme d’agriculture dans le secteur de la production alimentaire. »
Les participants ont débattu de ces questions au cours de la première session. Ils ont confirmé que la taille n’est pas un critère discriminant tellement le sens de ce qui est petit ou grand est variable d’un pays à l’autre de la planète. La structure de l’emploi, le mode de décision, sont en revanche des critères déterminants. Beaucoup voient également dans l’agriculture familiale un concept qui véhicule des valeurs, une façon de vivre et de faire vivre les territoires, de produire en accord avec la nature. Les frontières restent cependant assez floues. L’élaboration d’une typologie reconnue pourrait être une des actions intéressantes à conduire pendant l’année.
Une agriculture importante soumise à des défis: quelles réponses politiques?
L’agriculture familiale est soumise à de nombreux défis tels que:
- le renouvellement des générations: comment le faciliter?
- le besoin de diversification et les différentes façons d’opérer cette diversification en se reconnectant avec l’environnement
- l’accès au foncier, à l’eau au crédit
- les distorsions de pouvoir au sein de la chaîne alimentaires et le besoin de rétablir l’équilibre avec des prix justes, de la vente directe, des stratégies de démarcation et de promotion
- le rôle des femmes, souvent sous-estimé et peu reconnu
Face à ces défis, les besoins d’évolution politique couvrent tout d’abord l’environnement global qui conditionne les échanges commerciaux internationaux et les modèles de consommation. Ensuite, l’agriculture familiale est confrontée dans certains cas à des excès de règlementation et dans d’autres à un manque de réglementation ou de soutien. L’agriculture familiale a besoin de politiques particulières et d’un statut à part comparé aux grandes entreprises agro-industrielles. Elle devrait être dotée d’un budget de soutien bien identifié, un soutien qui ne passe pas par des mesures proportionnelles aux productions vendues pour éviter des encouragements trop forts à l’agrandissement, appliquer des plafonds sur les aide et enfin fournir des dérogations à certaines réglementations. L’identification animale a notamment été mentionée,l’identification électronique obligatoire étant jugée inopportune pour les petits éleveurs.
L’enjeu du foncier a été souligné de façon très importante, et les règles de succession pour l’héritage des terres pointée du doigt comme un cadre à faire évoluer, notamment du point de vue de l’égalité des genres. Le besoin de soutien à la recherche et à l’innovation dans ce contexte précis, de politiques de qualité et de promotion ont également été mis en avant. Une session entière a enfin été consacrée aux différentes formes de coopératives.
Différentes visions entre l’UE et l’Asie Centrale
Dans le contexte de l’Union européenne, la discussion était quelque peu confuse. Le concept d’agriculture familiale tel qu’adopté par la FAO recouvre en effet la très grande majorité de l’agriculture européenne. Le débat sur les politiques adaptées est donc peu ou prou le débat de la PAC, une PAC qui vient d’être adoptée. Les discussions de l’année internationale de l’agriculture familiale devraient donc se tourner vers la question de savoir quel type d’agriculture nous voulons en Europe pour l’avenir.
Pour les pays candidats à l’UE, membre de la Communauté des Etats Indépendants (ex-URSS) ou les pays du Caucase, qui font aussi partie de la région « Europe et Asie Centrale », la situation est très différente. L’agriculture est encore très morcelée, les organisations de producteurs peu nombreuses, la coopération mal vue du fait du passé communiste et la voie des agriculteurs est peu structurée, encore moins entendue. Beaucoup de ces pays sont très montagneux. L’enjeu de l’année sera pour eux de participer à créer un processus d’organisation des producteurs pour qu’ils structurent, progressivement une voix plus forte et s’imposent comme les interlocuteurs des Etats.
Et demain?
Plusieurs réunions et conférences sont prévues pour marquer l’année internationale de l’agriculture familiale dans différents pays et notamment à Bucarest, à Budapest, à Rome. Nous vous tiendrons informés au fur et à mesure.
Et la montagne?
Le partenariat global pour la montagne a publié un document intitulé ‘l’agriculture de montagne est familiale » à l’occasion de la journée internationale de la montagne le 11 décembre 2013.
Plusieurs membres d’Euromontana conduisent également des activités préparatoires. La Suisse nous a par exemple communiqué son site: http://www.familyfarming.ch/fr/
Euromontana utilisera les IXèmes Assises européennes de la montagne de Bilbao pour contribuer également à ce thème en réfléchissant sur une meilleure structuration des filières de montagne.
Et vous? Si vous travaillez sur ce thème en connexion avec la montagne, faites-le nous savoir!
20 décembre 2013