Professeur d’université et chercheur, le Professeur Radu Rey a joué un rôle majeur dans l’élaboration des politiques relatives aux zones de montagne en Roumanie et en Europe. Il a fondé en 1989 la Commission Roumaine des Zones de Montagne – première organisation roumaine dédiée au développement des montagnes et à la protection des populations et de l’agriculture de montagne. Il a soutenu la création du CEFIDEC, le Centre de Formation et d’Innovation pour le Développement dans les Carpates, la première école d’agriculture axée sur les montagnes et a créé CE-MONT, le Centre pour l’économie de la montagne, à Vatra Dornei.
Radu Rey occupe le poste de Vice-Président d’Euromontana de 1996 à 2004 et devient ensuite Sénateur de l’association tout en continuant à défendre les produits de montagne et l’agrotourisme en Roumanie, en Europe et à la FAO. En 2018, il est le principal auteur de la ‘Loi Montagne’ roumaine, qui fournit un cadre politique spécifique pour le développement durable des zones de montagne en Roumanie.
Euromontana : Après l’adoption de la Loi Montagne en Roumanie en 2018 et la création des Comités de Massif en 2019, quelles sont les prochaines étapes nécessaires pour soutenir le développement durable des montagnes roumaines ?
Radu Rey : « J’ai contribué à plus de 80 % de la Loi Montagne en Roumanie. 2019 a été un changement politique majeur pour la Roumanie, avec l’arrivée au pouvoir de nouvelles personnes, qui n’étaient pas nécessairement conscientes des besoins spécifiques et des problèmes socio-économiques en zones de montagne. Pourtant, tous les partis politiques ont voté à l’unanimité pour la « Loi Montagne ». Maintenant, ce dont nous avons besoin, c’est d’appliquer toutes les dispositions de cette loi pour la rendre efficace.
Mais il y a aussi beaucoup à faire pour sensibiliser les gens à la situation spécifique de la Roumanie, et des autres pays montagneux d’Europe de l’Est, trop laissés pour compte. Les spécialistes et les acteurs politiques n’ont pas conscience des graves problèmes qui se posent dans les zones montagneuses roumaines. Nous courons le risque de détruire une grande économie qui produit des aliments de qualité sur les terres les moins productives, pour environ 6 millions de personnes en Roumanie (mais aussi dans d’autres pays émergents de l’UE et des Balkans occidentaux). Le dépeuplement, par exemple, est un problème grave dans nos montagnes : les jeunes agriculteurs de montagne, qui ne peuvent être remplacés par des habitants des villes ou des agriculteurs des plaines, partent et les agriculteurs restants sont pour la plupart âgés ».
Comment le renouvellement des générations pourrait-il être traité efficacement en Roumanie ?
« La nouvelle PAC, par le biais des Plans Stratégiques Nationaux, devrait utiliser les caractéristiques uniques de la Roumanie pour sauvegarder les économies agroalimentaires de montagne des Carpates. La Commission européenne doit s’assurer que la Roumanie présente un Plan Stratégique National 2021-2027 qui comprenne des mesures de soutien efficaces et concrètes pour les petites et moyennes exploitations agricoles des zones de montagne !
Une autre possibilité réside dans les paiements de la PAC. La principale forme de paiement au titre de la PAC devrait devenir des paiements ‘par tête d’animal’, avec une réduction progressive des ‘paiements à la surface’ ».
Quelle serait votre vision prospective de l’agriculture de montagne à l’horizon 2050 ?
« Il sera possible de sauver l’économie de montagne – qui produit des aliments de haute qualité et des produits de niche – de pertes irrécupérables avec une volonté politique et la mise en œuvre des éléments susmentionnés.
Mais la situation en Roumanie diffère de celle de l’Europe occidentale. Notre économie agroalimentaire est en danger imminent en raison d’un important abandon de terres et de la perte de traditions pluriséculaires, qui reposent désormais entre les mains des agriculteurs de montagne, les ‘derniers Mohicans’. Si la mention de qualité ‘produit de montagne’ constitue une opportunité supplémentaire de développement pour les pays occidentaux, en Roumanie elle est plus qu’indispensable pour sauvegarder l’agriculture.
La méthode est simple : soutenir la viabilité des petits agriculteurs pour stabiliser leur place sur le marché et l’agroéconomie de montagne. Promouvoir des aliments protéinés de haute qualité (obtenus avec une productivité initiale des terres plus faible mais avec un effort humain beaucoup plus important que dans d’autres régions), dépendant des engrais organiques et de fourrages de qualité, avec des ruminants appartenant à des petits et moyens agriculteurs, aux traditions séculaires. Les méthodes capitalistes sauvages sont destructrices dans l’économie agroalimentaire de montagne.
Pour en savoir plus sur la vision du Professeur Radu Rey sur l’agriculture de montagne en Roumanie et en Europe et son analyse de la feuille de route de la Commission européenne, lire l’interview complète en PDF.
29 avril 2020