Plus de 140 acteurs du développement rural se sont réunis le 27 novembre 2020 lors de la conférence en ligne « Un agenda rural européen est nécessaire de toute urgence pour les zones rurales après la crise de COVID« . Co-organisé par l’intergroupe RUMRA & Smart Villages du Parlement européen et le Comité européen des Régions (CdR), avec le soutien d’Euromontana et de Ruralité – Environnement – Développement (RED), cet événement visait à identifier les leçons apprises par les zones rurales pendant la crise COVID-19 et à déterminer comment la nouvelle Vision à Long Terme pour les Zones Rurales pourrait se traduire en un cadre politique concret – l’Agenda Rural Européen.
L’événement a été ouvert par le député européen Bogovic, co-président de l’intergroupe, qui a souligné le fait que la crise du COVID-19 a plus que jamais sensibilisé à la nécessité d’un Agenda Rural Européen. La Commissaire Šuica a partagé ce constat et a réitéré son souhait d’une Vision à Long Terme développée avec les acteurs ruraux et qui permettrait réellement aux territoires ruraux de libérer tout leur potentiel grâce aux transitions numérique et écologique. Elle a réaffirmé son ambition de faire de la Vision à Long Terme pour les Zones Rurales une véritable boîte à outils, et pas seulement une description abstraite, avec des mesures concrètes pour permettre aux zones rurales d’être attractives et dynamiques. La Commissaire a également souligné l’extrême diversité des territoires ruraux en Europe, qui doit être prise en compte dans la Vision. La communication de la Commission sera présentée en juin 2021 et, en attendant, Mme Šuica a invité les acteurs ruraux à participer aux ateliers qui seront organisés pour recueillir leurs réactions. (Voir également la déclaration de la Commissaire Šuica lors de sa réunion avec l’intergroupe RUMRA & Smart Villages le 19 novembre 2020).
Expériences et enseignements tirés par les zones rurales pendant la crise du COVID-19
Marie Clotteau, Directrice d’Euromontana, a animé un premier panel au cours duquel les intervenants ont échangé sur les expériences rurales en temps de COVID et sur la manière dont elles ont renforcé leur résilience. Elle a appelé à une Vision ambitieuse pour les zones rurales afin de créer au niveau de l’UE les conditions favorables à des zones rurales et montagneuses dynamiques, attrayantes et résilientes.
Jose Enrique Garcilazo, chef de l’Unité Politique Régionale et Rurale à l’OCDE, a approuvé la nécessité d’améliorer la qualité de vie des populations rurales, à la lumière du récent rapport de l’OCDE « Bien-être rural : géographie des opportunités » (octobre 2020). Depuis l’apparition du COVID-19, les différences entre les zones rurales et urbaines sont devenues plus visibles avec, par exemple, plus d’emplois se prêtant au travail à distance dans les villes ainsi qu’une meilleure connectivité et des compétences numériques plus développées dans les zones urbaines que rurales. Pour résoudre ces problèmes, M. Garcilazo a plaidé en faveur de stratégies intégrées et adaptées répondant concrètement aux besoins des citoyens en prenant en considération les possibilités et les défis de chaque zone rurale (par exemple, le rapport de l’OCDE distingue les zones rurales appartenant à la zone fonctionnelle d’une ville de celles ayant accès à la zone fonctionnelle d’une ville des zones éloignées – pour chacune d’elles, les problèmes quotidiens et les solutions possibles diffèrent).
Paul Soto, du REDR (Réseau Européen de Développement Rural), a présenté le recueil de bonnes pratiques collectées depuis la première vague du COVID-19 en mars 2020. Certaines de ces pratiques sont des initiatives inspirantes pour faire face à la crise à court terme, tandis que d’autres illustrent des stratégies d’adaptation à moyen et long terme dans un contexte rural. Il a également souligné l’importance du concept de Villages Intelligents pour renforcer l’attractivité des zones rurales. Avec un grand potentiel de transférabilité aux contextes locaux, l’approche des Villages Intelligents, combinant les innovations numériques et sociales, peut répondre à des défis tels que la diminution des opportunités d’emploi, le dépeuplement, les problèmes environnementaux, les services inadéquats, etc. D’autres exemples de résilience rurale ont été présentés par Gianluca Lentini, de Poliedra – Polytechnique de Milan et du projet Interreg Espace alpin Smart Villages. Il a souligné que le confinement a stimulé la créativité et l’esprit d’entreprise dans les zones rurales. A titre d’exemple, des Fab Labs alpins ont commencé à produire des masques de protection et diverses applications mobiles ont été lancées pour encourager la solidarité et soutenir les chaînes de valeur locales. Gianluca Lentini a donc conclu que les zones montagneuses sont innovantes et peuvent devenir des lieux de vie plus intelligents grâce à la volonté rurale et au soutien des technologies numériques.
Le Comité européen des Régions fournira également un retour du terrain sur la résilience des zones rurales. Joke Schauvliege, membre du CdR, prépare en effet en tant que rapporteur un avis sur les expériences et les leçons tirées par les zones rurales pendant la crise COVID-19. Dans cet avis de prospective, elle entend recueillir des témoignages de régions et évaluer certaines des mesures introduites au niveau de l’UE. En raison de l’approche intersectorielle de cet avis, le document sera discuté dans toutes les commissions du CdR et il est prévu qu’il soit adopté lors de la session plénière de mai 2021.
Une nouvelle Vision à Long Terme pour les Zones Rurales
Un deuxième panel, animé par Gérard Peltre, Président de RED, a discuté des opportunités offertes par la nouvelle Vision à Long Terme de l’UE pour les Zones Rurales. Enda Stenson, rapporteur de l’avis du CdR sur la stratégie de l’UE pour la relance rurale, a alerté sur le manque de fonds disponibles pour les zones rurales dans la prochaine période de programmation. Il a souligné le fait que le plan de relance répond principalement aux besoins des zones urbaines, notamment en termes d’infrastructures. Le rapporteur Stenson a donc appelé la Commission européenne à faire de sa Vision à Long Terme pour les Zones Rurales un véritable Agenda Rural qui pourrait concrètement contribuer à la cohésion territoriale.
Joël Giraud, Secrétaire d’Etat en charge de la ruralité en France, a fait part de ses espoirs pour une telle Vision. Selon lui, il y a un « déclic rural » et les citoyens sont de plus en plus conscients des besoins des zones rurales. C’est pourquoi la France a adopté un Agenda Rural national en septembre 2019, qui comprend 173 mesures visant à revitaliser les régions rurales du pays (voir notre article). Avec l’émergence des questions environnementales et climatiques, Joël Giraud a également souligné le fait que la Vision à Long Terme de l’UE pour les Zones Rurales ne doit pas seulement être une question de prise en compte des populations rurales mais aussi de réflexion sur les contributions que les territoires ruraux peuvent apporter aux défis globaux.
Un autre exemple inspirant a été partagé par Carme Ferrer, Vice-Présidente de l’Association des Microvillages de Catalogne et Maire de Senan. La région a déjà développé différentes stratégies pour revitaliser ses zones rurales, comme le programme ODISSEU pour les stages ruraux et des actions dans le cadre de LEADER. La région de Catalogne, membre d’Euromontana, veut aller plus loin et travaille actuellement à la construction d’un Agenda Rural régional avec des organisations rurales. L’établissement de cet Agenda Rural régional a été voté par le comité régional sur la dépopulation en septembre 2020. Un comité de rédaction, composé d’associations rurales, a été créé et consultera la société civile avant de soumettre ses propositions aux autorités régionales. Ce processus ascendant devrait déboucher sur un accord avant l’été prochain afin que les mesures puissent être concrètement mises en œuvre à partir de juillet 2021.
Les acteurs ruraux participant à la conférence ont eu l’occasion de partager leurs points de vue concernant la Vision à Long Terme de la Commission européenne pour les Zones Rurales. Melina Hanhart, représentante du Parlement Européen de la Jeunesse Rurale, a sensibilisé les participants à la nécessité d’inclure les jeunes ruraux dans ce processus. Les jeunes générations sont à peine prises en compte par les décideurs politiques, a-t-elle expliqué, ou seulement sur les questions liées au sport, bien qu’elles aient également leur mot à dire sur les services, l’éducation, le transport ou la production durable. Georges Alexakis, Vice-Président d’Euromontana et Vice-Gouverneur de la région de Crète, a également souligné l’importance d’une approche adaptée au territoire, prenant en compte les spécificités des zones de montagne et leur potentiel d’innovation.
Ulrika Landergrenn, Présidente de la Commission NAT du CdR a clôturé l’événement en demandant à la Commission européenne d’adopter un Agenda Rural Européen capable de lutter contre la dépopulation, de renforcer la cohésion territoriale, d’inclure les jeunes et de prendre en compte les zones à contraintes naturelles, comme l’a déjà demandé le Parlement européen. La députée européenne Clara Aguilera, co-présidente de l’intergroupe RUMRA & Smart Villages, a également conclu en appelant à une Vision à Long Terme répondant aux défis environnementaux actuels et proposant des modèles de développement durable pour les territoires ruraux.
Pour plus d’informations sur l’événement, vous pouvez vous référer au communiqué de presse du CdR et aux présentations des intervenants.
3 décembre 2020