Comment lutter contre le dépeuplement et redynamiser les zones rurales ? Telle était la question abordée lors de l’atelier du REDR du 21 mai 2019. L’événement a exploré le rôle des programmes de développement rural et d’autres politiques de l’UE dans le maintien d’une qualité de vie élevée dans ces régions, où les tendances démographiques sont directement liées à l’offre de services et d’infrastructures.
L’exode rural : où en est l’Europe ?
Le dépeuplement des zones rurales suit des tendances plus diverses qu’il n’y paraît à première vue. Tel que présenté par Andrew Copus, de l’Institut James Hutton et ESPON, les 2/3 des zones rurales sont actuellement confrontées au dépeuplement. Alors que le phénomène s’accentuera dans certains pays, comme la Pologne et la Grèce, la population augmente cependant dans un tiers des zones rurales européennes, principalement dans les pays de l’Ouest. Par ailleurs, Andrew Copus nous rappelle que le dépeuplement résulte de facteurs variés, conduisant à une différenciation entre :
- « L’exode actif », qui est dû à la migration continue et apparaît principalement dans les pays d’Europe centrale, orientale et méridionale,
- « L’exode d’héritage », qui est quant à lui dû à des structures d’âge déformées reflétant les processus migratoires du passé et qui apparaît principalement en Europe de l’Ouest.
Alors qu’Eurofund a publié une nouvelle étude sur la qualité de vie en Europe, analysant les besoins des populations en termes de services et d’infrastructures, Orsolya Frizon-Somogyi, de la DG AGRI, a insisté sur la nécessaire intégration de ces observations dans la prochaine Politique Agricole Commune. La plupart des États membres de l’UE élaborent en effet actuellement l’analyse SWOT, identifiant les lacunes à combler par le biais du Pilier II. Outre la PAC et les différents instruments financiers existants, d’autres solutions pour lutter contre le dépeuplement rural ont également été identifiées par la DG AGRI. Par exemple, changer l’image des zones rurales, s’appuyer sur les besoins du « cycle de vie » et prendre en compte le bien-être pourrait faire partie des solutions.
L’évaluation des besoins des populations de montagne pour faire face au dépeuplement
Euromontana a présenté les bonnes pratiques recueillies dans le cadre du projet SIMRA et pouvant combler les besoins en termes d’infrastructures et combattre l’exode. La stratégie de la municipalité d’Alzen, dans les Pyrénées Ariégeoises, est un exemple d’approche réussie pour attirer les citoyens dans cette zone de montagne. En transformant l’offre de logements, en créant des emplois dans le secteur forestier et en revitalisant le village grâce à diverses animations, le maire local, André Rouch, a réussi à multiplier la population par 4 et l’école du village, service déterminant pour attirer de nouveaux arrivants, accueille désormais plus de 55 enfants.
Comme à Alzen, les autorités locales roumaines ont l’intention de lutter contre le dépeuplement dans la région montagneuse des Apuseni. Dans ce territoire rural, fragmenté et isolé, le dépeuplement s’accentue en raison du départ des agriculteurs, du manque d’emplois et d’infrastructures et d’une valorisation insuffisante du patrimoine naturel et culturel de la région. En conséquence, 5 conseils généraux ont créé l’Association de développement intercommunautaire « Moții – Țara de piatră ». Avec 86 maires et plus de 450.000 habitants, l’objectif principal de l’association était de créer une stratégie cohérente pour le développement de la région en analysant les forces et les faiblesses de la région et en répondant aux besoins pertinents. Alors que l’association locale prévoit d’utiliser les outils ITI et CLLD pour la prochaine période de programmation, elle négocie également d’autres fonds avec la Banque mondiale.
L’élaboration d’une stratégie sur la base d’une évaluation réaliste de la situation actuelle semble être un point commun entre les parties prenantes. Dans les Alpes, le projet INTESI Espace alpin, visait précisément à dresser une carte des besoins en matière de services d’intérêt général en interrogeant les populations locales. Les résultats, présentés lors de la conférence finale du projet en octobre 2018, ont montré différentes tendances. Alors qu’en Carinthie, la population déplorait surtout un manque de transports, en Suisse, l’offre d’aide sociale et les possibilités de formation sont apparues comme le principal problème. Une telle analyse fournit une vision détaillée des services d’intérêt général et a permis aux partenaires du projet INTESI d’analyser si les services actuels répondraient aux besoins de la population future attendue. Pour lutter contre le dépeuplement dans l’Espace alpin, les partenaires du projet discutent actuellement avec les décideurs des besoins et des possibilités en matière d’infrastructures, en vue de modifier les politiques locales.
Alors qu’en Autriche, les autorités ont également analysé les tendances démographiques locales, l’élément central de la stratégie de lutte contre le dépeuplement était basé sur la communication. Le projet, dirigé par le Ministère Fédéral de la Durabilité et du Tourisme et la Province Fédérale du Tyrol, a été partiellement financé par le FEADER. Des événements ont été organisés dans des régions pilotes pour communiquer les résultats de l’analyse et sensibiliser l’opinion à la question du dépeuplement. Les principales recommandations de ce projet de deux ans sont les suivantes :
- Les « facteurs mous » du dépeuplement ne devraient pas être sous-estimés. Si les emplois et les infrastructures sont essentiels, d’autres aspects tels que l’égalité entre les femmes et les hommes et l’inclusion des jeunes ne doivent pas être oubliés.
- Le tourisme n’est plus une panacée pour lutter contre le dépeuplement et d’autres solutions devraient être mises en œuvre.
- L’exode ne devrait pas être interdite et les liens entre les zones rurales et urbaines de montagne devraient être renforcés.
Grâce à ce projet de communication fondé sur des données réalistes, les autorités autrichiennes sont parvenues à sensibiliser l’opinion publique aux zones rurales montagneuses et à changer les mentalités et l’approche médiatique, passant d’une couverture négative à une couverture plus positive dans les médias locaux et nationaux.
Les stratégies élaborées dans les zones de montagne pour lutter contre le dépeuplement font de l’analyse et des politiques les pierres angulaires de la réussite des stratégies. A cet égard, le Premier Ministre espagnol a par exemple annoncé récemment la création d’un Ministère des Défis Démographiques pour mieux répondre à cette question.
Pour plus d’informations et d’inspiration pour lutter contre le dépeuplement dans les zones de montagne, veuillez visiter la page web du projet PADIMA (Politiques contre le dépeuplement dans les zones de montagne) et consulter sa base de données de bonnes pratiques.
31 mai 2019