Par Isabeau Ottolini, Spécialiste en sciences sociales et environnementales
« Avec chaque 0,002€ investi dans la gestion territoriale, nous économisons 1€ sur l’extinction des incendies de forêt ». C’est par cette phrase que Marc Castellnou – chef des pompiers catalans – a ouvert la Conférence Territorios Pastoreados à Gérone, qui a eu lieu en septembre.
Pour la quatrième année consécutive, la Fondation espagnole Entretantos et la Fondation Pau Costa ont organisé la conférence Territorios Pastoreados du 26 au 28 septembre 2019. Pendant trois jours, 200 participants ont discuté et appris sur la prévention des incendies de forêt et l’avenir du pastoralisme.
Le pastoralisme, un outil contre les incendies de forêt
Les incendies de forêt sont à la hausse en Europe, y compris en Scandinavie, au Portugal et en Grèce. Largement alimentées par le changement climatique, ces catastrophes dans les régions méditerranéennes sont également dues à l’abandon des terres et au reboisement. Un espoir commun des citoyens et des politiciens est que, si vous y mettez juste assez d’hommes et de machines, les incendies peuvent être maîtrisés et éteints.
Eh bien, Marc Castellnou a rapidement mis fin à cet espoir : peu importe combien vous investissez dans la lutte contre les incendies, les feux de forêt gigantesques contiennent tellement d’énergie qu’aucune machine artificielle ne peut les contrôler. Il est donc de plus en plus nécessaire de cesser de dépenser plus d’argent pour l’extinction des incendies, car cela augmente paradoxalement le risque d’incendies de forêt. Il faut plutôt investir dans la gestion durable des terres, en créant des paysages résilients où les incendies ne peuvent pas se propager jusqu’à des enfers incontrôlables. Ici, le pastoralisme joue un rôle clé : par le pâturage, les animaux comme les moutons et les chèvres mangent des plantes (y compris des buissons et de petits arbres) qui, autrement, serviraient de combustible pour les feux, maintenant ainsi des paysages ouverts et résistants aux incendies. Au-delà de ce service environnemental clé, le pastoralisme joue également un rôle dans l’atténuation du changement climatique et offre de nombreux autres avantages socio-environnementaux.
Surmonter les défis du pastoralisme par la politique et la pratique
Le pastoralisme est confronté à de nombreux défis, notamment sa faible viabilité économique, sa bureaucratie excessive et son faible renouvellement générationnel, qui conduisent à sa disparition progressive dans toute l’Europe.
Pour compenser économiquement les services environnementaux du pastoralisme, y compris la prévention des incendies de forêt par le pâturage, deux voies complémentaires ont été longuement discutées : d’une part, la nécessité d’un soutien accru de la PAC et, d’autre part, des initiatives innovantes (publiques ou privées).
En ce qui concerne la PAC, les systèmes d’élevage extensif sont affectés négativement par l’absence d’une définition des pâturages qui reconnaisse pleinement la riche variété des prairies, y compris les pâturages boisés. Jusqu’à présent, la PAC a exclu de nombreux pâturages qui auraient autrement pu bénéficier de paiements directs et n’a donc pas suffisamment contribué à soutenir économiquement ces systèmes alimentaires durables… Toutefois, en ce qui concerne la nouvelle PAC, les participants à la conférence ont également exprimé leur espoir de nouvelles opportunités, telles que les plans stratégiques, les eco-schemes, et le nouveau modèle basé sur la performance.
D’autre part, des initiatives novatrices voient le jour. Le label Ramats de Foc, est utilisé pour les produits locaux fabriqués à partir de troupeaux paissant dans les zones forestières, ce qui réduit le risque d’incendie de forêt. D’autres initiatives ont été présentées, telles que les écoles pastorales, l’accès à la terre et le renouvellement des générations (par exemple, Espacios Test), la valorisation des routes internationales de transhumance par l’Asociación de Trashumancia y Naturaleza, l’échange des connaissances à travers différents projets comme le projet Erasmus+ FireShepherds et les projets Interreg AlberaPastur et Open2Preserve.
Conclusions finales : comment chacun d’entre nous peut-il soutenir le pastoralisme ?
La conférence s’est terminée par un message clair à l’intention du grand public : au lieu de choisir des produits bon marché – mais non durables – issus de systèmes d’élevage intensif qui ont un grand impact sur la planète, choisissez des produits issus de l’élevage extensif. C’est-à-dire que chaque fois que vous achetez un produit local, produit de manière durable et par les populations rurales, vous avez une empreinte écologique plus petite et vous aidez les agriculteurs, les bergers et les petits producteurs à obtenir un revenu décent et à maintenir des systèmes alimentaires durables.
Les résultats de la conférence sont reflétés dans l’avis récemment adopté sur le pastoralisme de Jacques Blanc au Comité Européen des Régions, qui souligne la nécessité de soutenir et de promouvoir les activités pastorales à travers la PAC et les fonds européens afin de préserver ses avantages environnementaux et sociaux pour les communautés locales de montagne. D’autres initiatives sont également discutées, comme l’inscription de la transhumance sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO afin de protéger les traditions pastorales et les savoir-faire.
29 octobre 2019