Qu’est-ce que la Conférence internationale pour la recherche sur le développement durable dans les régions de montagne ?
La première Conférence internationale sur la recherche pour le développement durable dans les régions de montagne est un événement scientifique ayant pour but d’échanger et de discuter à propos des méthodes, outils, résultats, applications, tendances et défis de la recherche en ce qui concerne les socio-écosystèmes de montagne. Cet événement a été organisé pour la première fois à Bragança au Portugal, par IPB-CIMO[1] (et d’autres institutions telles qu’Embrapa, la Chaire de développement durable de la montagne à l’Université de Perth, ADVID et Euromontana) en octobre 2016 sur le thème « Services écosystémiques et développement durable », dans le cadre de l’événement Mountains 2016 et des X° Assises européennes de la montagne. La conférence a abordé l’état actuel des sciences de la montagne et comment ses derniers développements conceptuels et pratiques peuvent soutenir le développement durable. Les services écosystémiques, compte-tenu de la pertinence de cette approche et de ses applications, ont tenu une place centrale pendant la conférence. La conférence a également ouvert la voie à la mise en place formelle de réseaux de recherche en cours de développement. Une initiative de ce type est le LuMont – le réseau lusophone de la recherche sur la montagne – lancé récemment avec le soutien du Mountain Research Initiative, ou encore le Réseau pour la recherche sur les écosystèmes de montagne mis en place fin 2016 au Portugal (voir l’article d’Euromontana à ce sujet).
Services écosystémiques et développement durable dans les zones de montagne
La fourniture durable de services environnementaux et sociaux par les écosystèmes de montagne est vitale pour atténuer les impacts des deux principales menaces touchant les montagnes et discutées lors de la conférence : le changement climatique pour l’aspect environnemental et le dépeuplement rural pour l’aspect social. En effet, le changement climatique est une menace pour les ressources en eau à cause de la fonte des glaciers et les changements de régimes de précipitations ; pour la biodiversité en raison de la migration vers des altitudes plus élevées des espèces animales et végétales et l’apparition de nouveaux parasites, de maladies et d’espèces envahissantes, ainsi que les sécheresses plus fréquentes ; et enfin, pour l’infrastructure et les vies humaines avec le risque accru de glissements de terrain en raison d’événements climatiques extrêmes. D’autre part, le dépeuplement rural est un phénomène en cours depuis des décennies, entraîné par un manque d’emplois et d’opportunités dans des régions reculées comme les montagnes, ainsi que d’infrastructures de base, même si les montagnes sont pleines de ressources et de patrimoine culturel. L’interconnexion entre les services écosystémiques et les défis actuels auxquels les zones de montagne font face est évidente, c’est pourquoi des projets tels que PEGASUS sont importants pour protéger et améliorer la prestation de ces services.
Les résultats présentés lors de la conférence sont confirmés par les études de cas du projet PEGASUS. Environ 10 des études de cas de PEGASUS sont liées à des zones de montagne dans des pays tels que l’Autriche, la République tchèque, la France, l’Italie, la Slovénie ou même le Royaume-Uni (voir la liste ici). Une des conclusions des études de cas, qui a également été soulignée tout au long de la conférence de Bragança, est que les écosystèmes de montagne sont particulièrement importants pour la prestation des services suivants : la conservation des habitats, des populations et des ressources génétiques ; la protection des paysages et du patrimoine culturel ; la vitalité rurale ; la protection contre les risques naturels ; la production alimentaire via la gestion de l’eau et du sol ; et la régulation du climat grâce à la séquestration et au stockage du carbone. A ce sujet, Thomas Dax, représentant BABF, le partenaire autrichien de l’équipe PEGASUS, a présenté la problématique du projet et les résultats d’une étude de cas située dans les montagnes autrichiennes (voir notre article ici).
Comment intégrer ces résultats dans les politiques européennes ou nationales ?
L’un des travaux finaux du projet PEGASUS est de publier des recommandations politiques. En effet, au niveau politique, l’Union européenne et les États membres doivent accorder plus d’importance aux services écosystémiques et prendre en compte les résultats récents des chercheurs afin de protéger et d’améliorer la prestation de ces services et ainsi garantir les avantages qui en découlent.
Au niveau européen, l’UE a adopté en 2011 la Stratégie de l’UE en matière de biodiversité, fixant 6 objectifs et 20 actions pour stopper la perte de la biodiversité et des services écosystémiques dans l’UE d’ici à 2020. La cible 2 de cette stratégie (COM/2011/0244) demande que les écosystèmes et leurs services soient « maintenus et renforcés par la mise en place d’infrastructures vertes et le rétablissement d’au moins 15% des écosystèmes dégradés d’ici 2020 ». La DG ENV de la Commission européenne a commencé à travailler sur la cartographie et l’évaluation des écosystèmes et de leurs services dans le contexte de l’examen à mi-parcours de la Stratégie 2020 de l’UE en matière de biodiversité.
Certains États membres ont également pris des premières mesures pour améliorer la fourniture de biens publics, comme en France où l’adoption récente de la « Loi Montagne II » permet de désormais prendre en compte des paiements spécifiques pour les services écosystémiques (PSE) dans les dotations octroyées aux communes de montagne ; ou encore l’exemple de l’Italie où la Région Lombardie met en œuvre des programmes de PSE dans les sites Natura 2000. Également en Italie, mais sans lien avec les PSE, le ministère italien de la Cohésion territoriale a présenté en 2012 la Stratégie pour les zones isolées 2014-2020 pour améliorer la qualité de vie et le bien-être économique de leurs habitants. Sur la base d’un ensemble complet d’indicateurs socio-économiques, le concept de zones isolées englobe les communes avec des problèmes démographiques, éloignées des centres d’agglomérations et dotées de services à trajectoires de développement instables, mais aussi caractérisées par une forte attractivité due aux ressources non disponibles en milieu urbain. La Stratégie italienne vise à apporter de nouveaux moyens de gouvernance aux zones isolées et favorise indirectement la prestation des services écosystémiques par le biais de plans locaux de développement. Durant la phase finale de ses recherches, le projet PEGASUS fera une analyse complète de ces instruments politiques existants afin de formuler des recommandations politiques pour une fourniture meilleure et plus durable de services environnementaux et sociaux au sein de l’UE.
Il n’existe pas de solution unique pour intégrer les services écosystémiques dans les politiques, les recommandations politiques émanant de projets H2020 tels que PEGASUS sont donc un moyen de combler le fossé entre la recherche et la sphère décisionnelle.
[1] Polytechnic Institute of Bragança – Centro de Investigação de Montanha (Centre de Recherche sur la Montagne) basé à Bragança, au Portugal
7 mars 2017