Les jeunes de toute l’Europe veulent rester à la montagne : entre besoins et opportunités
Carla Lostrangio, Blandine Camus
Au début de l’année 2022, Euromontana a publié son enquête « Être jeune en montagne » qui offre un aperçu des besoins et des aspirations des jeunes qui vivent ou vivent souvent en montagne. Cet article présente les résultats de l’étude et répond à la question de savoir comment les politiques européennes, telles que la politique de cohésion et Next Generation EU, peuvent répondre aux besoins émergeant de cette nouvelle génération de jeunes en montagne.
Une enquête européenne
En 2022, Euromontana – l’association européenne des zones de montagne a eu 25 ans. Toutes les personnes qui ont passé le cap des 25 ans savent que c’est un âge important pour réfléchir non seulement à ses réussites, mais aussi à son avenir. Cela a donné lieu à la réflexion de demander comment les jeunes vivant en montagne perçoivent leur territoire, les opportunités, les difficultés, et surtout, quel type de montagne ils aimeraient voir se réaliser dans leur futur. Cette réflexion est devenue le fusible de l’enquête qu’Euromontana a menée, avec la collaboration d’Educ’Alpes et d’UNITA, dans 18 pays de l’UE et hors de l’UE. Au total, 1134 jeunes de 18 pays européens et âgés de 18 à 29 ans ont envoyé leurs contributions.
L’enquête a montré que la majorité des jeunes vivant à la montagne souhaitent continuer à y vivre (66%). Bien qu’il y ait eu des différences dans les réponses des différents pays qui ont participé, il n’est ressorti d’aucun pays que les jeunes sont prêts à partir. Il en ressort qu’un jeune sur trois souhaiterait partir pour une période, par exemple pour étudier ou voyager, et revenir ensuite dans les montagnes, et que seuls 5% ont répondu catégoriquement qu’ils souhaitaient partir. Mais quelles sont les principales raisons qui poussent les jeunes à vouloir quitter la montagne ? La rareté des possibilités de formation et d’emploi, le manque de dynamisme des zones de montagne, ainsi que l’attrait des zones urbaines sont les principales raisons de quitter la montagne. Ce dernier point met en évidence deux aspects cruciaux. D’une part, la nécessité de créer de nouvelles possibilités de formation et d’emplois diversifiés dans les zones de montagne pour attirer ces jeunes qui, sinon, seraient contraints de quitter la région. D’autre part, la nécessité de développer des stratégies et des politiques pour encourager le retour des jeunes travailleurs.
Plus de télétravail et d’esprit d’entreprise pour développer l’attractivité
L’accélération du processus de numérisation, également due à COVID-19, a créé de nouvelles perspectives d’emploi dans les montagnes. Environ un jeune sur cinq est attiré par la possibilité de pouvoir télétravailler en montagne. Toutefois, ces nouvelles formes de travail nécessitent le développement et l’amélioration des infrastructures pour permettre l’accès aux réseaux – en amplifiant la couverture des signaux internet, en multipliant les espaces de co-working – ainsi que le renforcement des services associés – tels que les transports entre les zones rurales et urbaines pour permettre aux jeunes de s’installer dans les zones de montagne tout en maintenant l’accès aux principales villes. En outre, environ 18 % des jeunes souhaiteraient lancer leur propre entreprise dans divers domaines, de l’ingénierie à l’informatique, en passant par la communication et le marketing, la chimie alimentaire, etc. Les régions de montagne devraient donc mettre en œuvre des programmes visant à soutenir l’entrepreneuriat rural chez les jeunes, qui représentent l’avenir de l’innovation, ainsi qu’à renforcer la création d’emplois.
La voix des jeunes : la montagne en 2040
Une partie de notre indigine a porté sur le « désir » des jeunes par rapport à la montagne de 2040, c’est-à-dire ce que serait pour eux la montagne idéale. Les jeunes aspirent à un endroit où ils peuvent réaliser leur potentiel et en particulier où ils peuvent étudier, travailler et se déplacer facilement. En outre, les jeunes réclament que l’on mette davantage l’accent sur la durabilité : de la préservation des environnements montagneux à la lutte contre le changement climatique. En 2040, la jeune génération envisage des zones de montagne où les habitats sont mieux protégés et où le tourisme est réorienté vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement et de ses habitants. Enfin, les jeunes Européens aimeraient que les montagnes soient repeuplées d’ici 2040. L’enquête a révélé le rêve d’une montagne plus dynamique, habitée par des jeunes et des familles, et où le repeuplement entraîne le développement du territoire sans compromettre l’équilibre avec la nature.
Un constat : les jeunes changent et leurs besoins aussi
Cette enquête n’est pas la première qu’Euromontana réalise pour étudier les besoins des jeunes en montagne. En 2012, il y a dix ans, une première enquête avait été lancée à l’occasion des Assises européennes de la montagne à Chambéry, en France. Dix ans plus tard, il apparaît que les besoins et les attentes des jeunes en montagne ont considérablement évolué. Les nouvelles opportunités (comme la numérisation ou le télétravail) et les nouveaux défis (comme le changement climatique) ont joué un rôle clé dans ce processus. Les territoires ont également changé : certains ont sombré dans un déclin démographique structurel ou un vieillissement important, tandis que d’autres ont réussi à inverser la tendance grâce à la mise en œuvre de stratégies d’attractivité territoriale. La question qui se pose spontanément est donc : comment répondre aux besoins de cette nouvelle génération de jeunes ?
De nouvelles opportunités pour de nouveaux besoins
Par le biais de la politique de cohésion, l’Union européenne finance une série de programmes et d’initiatives visant à soutenir la jeunesse en Europe. Dans ces programmes, une « attention particulière » est accordée aux territoires de montagne (article 174 du TFUE). Par exemple, dans la commune de Tolmezzo (Frioul-Vénétie Julienne), le Polo dell’Economia di Montagna des Alpes italiennes a utilisé ces fonds pour créer un observatoire des besoins et des offres professionnelles pour l’économie de montagne et pour promouvoir des activités de transition de l’école au travail pour aider les étudiants à trouver un emploi dans les zones de montagne.
Au cours de la période 2021-2027, la Politique de Cohésion continuera à investir dans les jeunes des zones de montagne. Plus précisément, un tiers du budget total de l’UE (392 milliards d’euros) sera canalisé par la Politique de Cohésion, en plus des 776,5 milliards d’euros de l’UE nouvelle génération. Ces ressources peuvent répondre à de nombreuses demandes formulées par les jeunes dans l’enquête menée par Euromontana, telles que la création de nouvelles formations, la diversification et la facilitation de l’accès au monde du travail. En outre, les fonds de la Politique de Cohésion peuvent être investis pour améliorer et renforcer la mobilité, y compris la mobilité durable et les services multimodaux ; renforcer l’innovation, en mettant également l’accent sur l’innovation sociale et les start-ups vertes ; promouvoir le tourisme durable et soutenir la lutte et l’adaptation au changement climatique. Euromontana invite les acteurs du territoire à ne pas perdre de temps et à se préparer à utiliser au mieux les fonds de la politique de cohésion sur leur territoire pour répondre aux besoins de ceux qui feront l’avenir de la montagne : les jeunes.